Les tendances cette saison à Paris vont au théâtre social, dirigé par Los Náufragos (Les Naufragés), pièce basée sur un texte anthropologique de Patrick Declerck publié en 2002, adaptée et mise en scène par Emmanuel Meirieu. Les Naufragés sont ceux qui sont restés comme résidus d’une société qui les laisse de côté, des hommes et des femmes qui ont cessé d’exister et errent comme des ombres dans les couloirs du métro. Ce texte est issu de l’expérience de Declerck en tant que psychanalyste, qui a passé 15 ans à travailler avec les clochards, les sans-abri, les sdf, les sans-abri, avec les sans-abri de la grande ville. Il a créé le premier centre de soins psychiatriques pour sans-abri en France, et de cette expérience est né son livre, et maintenant le spectacle. Je traduis une partie du texte de l’oeuvre:
Ils ont une odeur dont je me souviendrai toute ma vie: aigre, nauséabonde, qui vous prend à la gorge, imprègne votre peau et vos vêtements; une odeur d’aisselles et d’aine, de pieds purulents qui n’ont pas été enlevés depuis des semaines. J’ai suivi les clochards de Paris dans la rue, dans le métro, dans les auberges, dans les hôpitaux. J’ai travaillé avec eux pour les soulager, sans réussir à les guérir. Je les détestais, presque toujours. Ils sentent la saleté, la désolation et le vin bon marché; ils sentent la haine, le ressentiment et le ressentiment. Ils se volent, terrorisent les plus faibles, violent leurs femmes. Mais dans cet environnement, je n’ai pas seulement trouvé la haine. C’est pourquoi j’ai été avec eux pendant si longtemps, les observant, les écoutant, essayant d’aider autant que je pouvais. Pour cette même raison, ils me manquent certains soirs, un peu. Les souvenirs sont mélangés, les morts et les vivants, les morts-vivants, ceux avec qui j’ai à peine croisé un mot, un remède, un analgésique ou un sandwich chaud. ”
Le Naufragé doit être un défi pour le public, un appel de conscience très dur qui est présenté dans un théâtre emblématique de Paris, les Bouffes du Nord. Même si je sens que vous faites face à deux défis. La première est que je ne suis pas très sûr que cette plainte changera du tout le sort des sans-abri: ce sont ceux qui ont quitté le circuit de la société et pour eux il ne semble pas y avoir de remède; mais ce sont aussi les immigrés qui font précisément naufrage en France, plus précisément à Paris, en route pour l’Angleterre, une île avec son mur d’eau qui ne les recevra jamais. Un problème apparemment insoluble comme le suggère le texte. Peut-être que le réalisateur et le public soulageront leurs consciences, mais le problème continuera ici, et il s’aggravera de jour en jour comme nous le savons d’après les informations.
Le deuxième problème concerne la forme théâtrale: un acteur sur scène qui raconte devant un microphone un texte illustré avec une série de situations qu’un écran reproduit avec des vidéos de personnages réels. C’est une formule qui ne m’a pas tout à fait convaincu. Statique, presque journalistique, et à mon goût, pas très théâtral (même si j’insiste, je n’ai vu l’avancement du travail qu’en vidéo). Je pense que la manière dont l’Italien Pippo Delbono intègre différents personnages déclassifiés dans ses œuvres pour créer une fiction semble plus créative. La force sur scène est plus réelle que certains ne le supposent.
Los Náufragos (Les Naufragés) est présenté à Paris jusqu’en octobre, au théâtre des Bouffes du Nord.
Julius Caesar, de William Shakespeare, de la compagnie française de comédie dirigée par Rodolphe Dana, est un autre spectacle qui fait ses débuts ces jours-ci à Paris. Rappelons que cette société est la plus ancienne d’Europe et qu’elle travaille sans interruption depuis plus de trois siècles, héritière directe du groupe d’acteurs de Molière.
La chose intéressante à propos de cette version de Julio Cesar est que le rôle principal et d’autres sont joués par des femmes. Cette féminisation de certains personnages shakespeariens avait déjà été présentée par Ivo van Hove au Festival d’Avignon, en évocation du pouvoir actuel des femmes, et pour voir comment El Poder n’a aucune distinction de sexe ou d’âge. Manipulez tout le monde de la même manière.
Ici, le contraire se produit dans le théâtre élisabéthain, où les rôles féminins étaient joués par des hommes, ou dans le théâtre Kabuki où il y a une spécialisation des personnages féminins joués par des hommes. Peut-être y a-t-il maintenant cette tendance à féminiser les personnages shakespeariens; Dans le cas du montage d’Ivo von Hove, il était clair de souligner que le pouvoir s’est féminisé dans la vie publique en général, et comment les œuvres dans ce cas l’emportent aujourd’hui.
Nous verrons ce qu’il advient des magnifiques acteurs de la comédie française lorsque Martine Chevallier joue Jules César et Georgia Scalliet joue Marco Antonio. Cependant, le traître Brutus, est joué par un homme, Nâzim Boudjenah; en général, le travail est exécuté par dix comédiens, cinq hommes et cinq femmes. Mais ne soyez pas complètement surpris, en France de grandes actrices du 19ème siècle ont joué des rôles masculins, comme Sarah Bernhardt ou Virginie Déjazet, il n’est donc pas rare maintenant que les rôles se renversent. Nous parlerons du travestissement au théâtre dans la prochaine chronique.
Jules César de Shakespeare, réalisé par Rodolphe Dana, par la Compagnie française de comédie au Théâtre du Vieux Colombier.